La gestion patrimoniale des réseaux
20/11/2024
L’entretien avec Maria Salvetti : une présentation des enjeux liés à la gestion de l’eau
Une étude sur le patrimoine hydrique français
Lors des 100 ans de l’UIE, dédiés aux questions de gestion de l’eau, Maria Salveti a pu présenter les grandes lignes de son étude « Patrimoine eau potable, assainissement collectif et eaux pluviales » avec une approche des enjeux financiers de la sécurité hydrique.
L’expertise de Maria Salveti : Un parcours riche et singulier

Suite à la présentation de l’étude, les équipes Stradal ont souhaité interroger Maria Salveti sur certaines orientations et certains défis particuliers qui s’imposent dans la gestion des eaux, notamment pluviales. Cela a été l’occasion de revenir sur son parcours. Maria a eu un parcours professionnel au sein d’organismes publiques en France et à l’étranger qui lui ont permis d’appréhender toutes leurs strates des plus proches du terrain jusqu’au niveau national.
À cette période elle a mis ses compétences d’économiste au service de l’analyse des politiques publiques de l’eau et partage son temps entre cette activité et la Florence School of Regulation. Ce qui caractérise sa singularité est sa volonté de travailler sur des sujets sur lesquels l’économie s’applique difficilement.
Elle mène en 2017 pour l’UIE, un état des lieux de la gestion du patrimoine eau potable, assainissement collectif et eaux pluviales en France, une étude qui trouve en 2024 une nouvelle édition pour les 100 ans de l’UIE et pour actualiser le patrimoine de l’eau et identifier les déficits d’investissement qui auront un impact critique au regard des effets du changement climatique.
Les défis financiers liés à la gestion de l’eau
On parle généralement de petit cycle et de grand cycle pour différencier ce qui relève du cycle de l’eau en général de sa domestication par l’homme. Que représente l’investissement dans le grand cycle aujourd’hui, notamment dans la gestion des eaux pluviales ?
Il est certain qu’il y a une disproportion entre les investissements, toutefois on ne peut pas penser le petit cycle de l’eau sans penser le grand cycle de l’eau. C’est donc là que se situe l’enjeu d’investissement aujourd’hui. Il y a un problème de gouvernance.
Les agences de l’eau y jouent un rôle clé notamment dans la préservation des ressources. Préservation des ressources en eau, restauration des milieux aquatiques, préservation des zones humides, suivi des populations de poissons
Depuis le 11ᵉ programme (2018), les agences peuvent aussi soutenir des investissements comme financer des bassins de rétention dans le cadre de la gestion des eaux pluviales.
Par contre la gestion des eaux pluviales est une compétence communale et doit être financée par de la fiscalité locale et non pas par une redevance qui est payée à une agence de l’eau. L’usager de l’eau paye le contribuable local pour gérer les eaux pluviales.
C’est un modèle instable pour son financement, car les collectivités se sont rendu compte par exemple qu’elles sont responsables de l’imperméabilisation des sols et doivent financer les infrastructures nécessaires.
Les limites du financement actuel des eaux pluviales
Il est donc compliqué d’obtenir des investissements sans stabiliser un modèle de financement pérenne pour la gestion des eaux pluviales. D’autant que les agences dépensent 150 millions d’euros par an pour la gestion des eaux pluviales, mais quel montant est-il nécessaire ?
D’après l’Étude du CGEDD (2022) la gestion des eaux pluviales souffre d’un déficit d’un milliard d’euros par an. Cela est d’autant plus problématique que nous manquons de données actualisées sur le patrimoine pluvial, les derniers chiffres fiables datant de 2004.

Quelles sont les tendances en matière de gestion de ces eaux pluviales ?
Autrefois, il s’agissait de capter et évacuer l’eau de pluie rapidement. Aujourd’hui, les collectivités tendent à supprimer les réseaux pluviaux existants. Elles ne veulent plus de réseau séparatif, car très coûteux à renouveler et cela ne correspond plus à la façon dont on veut traiter l’eau de pluie, implique en plus à surcharger les stations en cas d’épisode pluvieux intense.
La tendance est clairement de privilégier des solutions basées sur la nature, car celles-ci sont moins coûteuses, mais plus complexe à chiffrer donc à évaluer.
Pourquoi investir dans la gestion de l’eau pluviale ?
La réglementation sur la gestion des eaux pluviales est plus incitative que prescriptive, pour quelles raisons une collectivité investirait dans quelque chose qui a une probabilité faible d’être perçu positivement par ses concitoyens ?
Le premier élément est que les collectivités ne peuvent plus gérer que des crises (exemple d’inondations à Valence) elles doivent passer en mode gestion de risque, car les conséquences des intempéries reposent sur un marché assurantiel assis sur des primes réparties.
Entre 2020 et 2050, France Assureurs estime que les dommages liés aux sécheresses et inondations coûteront 3 milliards d’euros par an (54 % inondations, 46 % sécheresses).
La pression viendra probablement donc des assurances qui pourraient refuser d’assurer certaines zones à risque, incitant les décideurs publics à agir de façon préventive.

Plus largement quel serait le bon modèle économique pour financer ces investissements au profit de la gestion des eaux pluviales ?
La taxe GEMAPI une fiscalité locale pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations est mise en place par de plus de collectivités permet de collecter de plus en plus d’argent. Elle est fléchée et donc affectée à la gestion des milieux aquatiques contrairement à d’autres taxes collectées sans affectation précise.
Ensuite, sur un problème comme celui de la qualité des eaux qui concernent tout le milieu naturel (non satisfaisantes ni sur le plan écologique, ni sur le plan chimique, car de trop nombreuses micropollutions sont retrouvées dans les cours d’eau), l’exemple du principe pollueur payeur qui s’applique aux industries cosmétiques et pharmaceutiques apparait alors comme un modèle vertueux.
En effet, d’après un document de la Commission européenne 92% des micropolluants retrouvés dans les eaux usées après traitement proviennent des industries cosmétiques et pharmaceutiques.
Ce principe va alors les inciter à réduire les pollutions à la source.